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Loi ALUR : les honoraires de syndic doivent-ils augmenter ? Le 15/5/2015
UI - Actus - 15/5/2015 - Loi ALUR : les honoraires de syndic doivent-ils augmenter ?
L'entrée en vigueur progressive de la loi "ALUR" du 24 mars 2014 doit-elle conduire à un renchérissement global des honoraires de gestion pour les copropriétés, comme l'annoncent les médias et commencent à le craindre les associations de consommateurs ? Les syndics ne manquent pas une occasion de mettre en avant l'alourdissement à venir de leurs tâches, la modicité de leurs honoraires actuels, et le nécessaire rééquilibrage de leur tarification avec l'entrée en application à partir du 1er juillet prochain d'un contrat type de syndic fixé par décret, limitant les prestations hors forfait et les obligeant en conséquence à augmenter leurs honoraires de gestion courante. Entre ceux qui évaluent jusqu'à 30% l'augmentation nécessaire des honoraires forfaitaires pour compenser tous les effets mentionnés, et ceux qui à l'inverse estiment que les honoraires des syndics sont assez chers comme cela, qu'en est-il réellement ?

Un renchérissement des coûts pour les syndics, mais pas forcément ceux qu'on croit...



La loi "ALUR" (Accès au logement et à un urbanisme rénové), du 24 mars 2014, aura indéniablement des impacts sur l'équilibre d'exploitation des syndics de copropriété professionnels, mais bien moindres que sur les administrateurs de biens dans leur activité de gestion locative. Et ceux mis en avant par les professionnels ne sont pas forcément les plus importants.

L'effet "compte bancaire" est à ce titre emblématique : il s'agit de la disposition de la loi ALUR qui rend obligatoire d'ouvrir un compte bancaire séparé au nom de chaque syndicat des copropriétaires pour toutes les copropriétés de plus de 15 lots principaux, et d'y déposer les fonds perçus pour leur gestion. Les grands syndics se sont vigoureusement battus contre cette disposition, à qui ils reprochent d'alourdir leur comptabilité : obligation de morceler les remises d'encaissements, de manipuler un chéquier par immeuble, et de gérer la trésorerie plus rigoureusement, un compte bancaire séparé ne pouvant être débiteur en cas de dépassement des recettes sur les dépenses.

Passons sur le caractère ahurissant de ce dernier argument, pourtant très fréquemment utilisé,y compris par des représentants d'organisations professionnelles, et qui revient à reconnaître qu'en cas de gestion des trésoreries sur un compte global, les factures des uns peuvent être payées avec l'argent des autres ! Mais les autres arguments sont tout aussi spécieux : en effet, les principales banques chez qui les syndics ouvrent leurs comptes et les logiciels qu'ils utilisent permettent des traitements en masse simultanés sur une pluralité de comptes bancaires, que ce soit pour les encaissements, pour le paiement des prestataires qui est très majoritairement effectué par virements ou pour les rapprochements bancaires.

C'est ce qui explique que de nombreux syndics aient aujourd'hui sauté le pas : un bon tiers des copropriétés sont déjà gérées sur compte séparé et un bon quart des syndics - notamment les plus récents entrants dans la profession - fonctionnent depuis plusieurs années exclusivement en comptes séparés.

Reste l'argument difficilement avoué de cette opposition : la perte des produits financiers que les syndics percevaient sur la trésorerie de leur parc de copropriétés gérées. Ils ont pendant longtemps constitué une part importante de la marge brute de cette profession, alimentant un "dumping" sur les honoraires de base des gros au détriment des petits. Malgré la baisse drastique des taux d'intérêt, le placement des fonds gérés - parfaitement légal lorsque la copropriété a dispensé le syndic d'ouvrir un compte séparé - constituait toujours un petit complément de recettes auquel il est difficile de renoncer. Et puis les taux peuvent toujours remonter...

En tous cas, si l'on compare les honoraires pratiqués par ceux qui fonctionnent totalement en comptes séparés et ceux qui fonctionnent en compte unique, cette disposition de la loi ALUR n'est pas de nature à justifier une augmentation des honoraires de base de plus de 2 à 5%, et en aucun cas les 15 à 20% qui figuraient déjà dans les contrats de syndics en cas de refus de dispense...

Autre cause d'alourdissement des coûts des syndics mis habituellement en avant sans grande justification : l'obligation de mettre à disposition des copropriétaires un "extranet", en fait un accès sécurisé par Internet à un certain nombre d'informations relatives à leur copropriété : comptes individuels et généraux, assemblées, documents de base de la copropriété tels que le règlement de copropriété et ses modificatifs, les contrats, les factures, etc. Le contenu de ces extranets n'a pas été défini, mais il ne peut s'agir que de documents et données que le syndic gère déjà sous forme numérique. Tous les éditeurs de logiciels proposent des modules d'extranet pour un surcoût très modique, et la création d'un accès performant des copropriétaires aux informations gérées par le syndic peut pour ce dernier avoir des retombées favorables en termes de productivité, de qualité de service, d'image et de fidélisation de sa clientèle ! Un bon nombre de cabinets là aussi a déjà largement sauté le pas, et pas forcément les plus gros, certains allant très loin dans ce qui est proposé aux copropriétaires en termes de masse d'informations et d'interactivité !


Les vraies causes de renchérissement des coûts de gestion



Par contre, la loi ALUR recèle quelques autres causes à venir d'alourdissement des coûts pour les syndics, et d'abord l'instauration à compter du 1er janvier 2017 de fonds de travaux obligatoires et leur alimentation dans chaque copropriété à hauteur chaque année de 5% minimum du budget prévisionnel : non seulement il y aura un compte bancaire supplémentaire à gérer, car ces fonds devront être placés au profit de chaque syndicat des copropriétaires, mais il faudra qu'ils soient aussi couverts par la garantie financière du syndic ; or l'alimentation - même minimale - de ces fonds de travaux va en trois ou quatre ans doubler la trésorerie gérée par les syndics et donc le coût de cette garantie financière !

Mais il y a plus important encore : les dirigeants de cabinets, les directeurs de succursales et les collaborateurs, notamment les gestionnaires et les comptables, devront se soumettre à une obligation de formation continue, ce qui en soi représentera un budget non négligeable. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer l'effet induit de cet effort de formation sur les rémunérations. L'ensemble des personnels des cabinets va progressivement monter en compétence et en qualification et s'arrangera d'une manière ou d'une autre pour le faire reconnaître. D'autant qu'un autre facteur conduira par la force des choses à augmenter le niveau de professionnalisation du métier de syndic et de ses salariés : la mise en place avant fin 2015 de la Commission nationale de contrôle prévue par la loi ALUR, indépendante des organisations professionnelles, et qui disposera de pouvoirs de sanction administrative draconiens, pouvant aller jusqu'à l'arrêt de mort d'un cabinet par le retrait de son autorisation d'exercer ! La commission pouvant être saisie directement - et gratuitement - par les clients, il n'y aura plus de place pour l'à peu-près juridique et l'amateurisme que l'on relève encore trop souvent chez certains syndics. Mais la montée en compétence et le sursaut de rigueur de gestion et de fonctionnement impliqués par ces deux dispositions de la loi ALUR, souhaitées par l'aile marchante de la profession de syndic et portées par au moins deux des trois fédérations, la FNAIM et l'UNIS, auront un coût. A terme, c'est le recrutement entier des équipes qui devra se faire à deux ou trois années d'études de plus qu'actuellement, et donc à des niveaux de salaires sensiblement plus élevés.


L'occasion d'une remise à plat tarifaire



La loi ALUR, en prévoyant l'instauration d'un contrat type de syndic et d'une liste limitative des facturations possibles de prestations hors forfait, devait aussi conduire à une rationalisation de la tarification des services et un rééquilibrage vers une plus grande forfaitisation des honoraires. Un autre décret est attendu plafonnant les honoraires facturés pour l'établissement de l'"état daté" que les syndics doivent envoyer aux notaires à l'occasion des ventes de lots par les copropriétaires.

Cependant, le décret du 26 mars 2015 qui traduit les deux premières dispositions de la loi ne va pas changer grand chose : le contrat type est une "usine à gaz" calquée sur les contrats des grands groupes, et les possibilités de facturations supplémentaires sont presque meilleures qu'avec la réglementation précédente, l'arrêté "Novelli" de 2010 ! Il aura donc tout juste le mérite - ce n'est peut-être pas négligeable - de faciliter la comparaison des propositions concurrentes, de couper court à toute nouvelle "création" de prestations particulières, susceptible de jaillir de l'imagination sans bornes des professionnels, et aussi de lever quelques ambiguïtés comme celle concernant jusqu'ici les archives du syndicat. Quant au décret pour l'état daté qui se fait attendre, il mettra un terme à des dérives fâcheuses...

Pourtant, une remise à plat tarifaire reste à faire, et le contrat type n'empêchera pas ceux qui en auront le courage d'y procéder. Et d'abord par une meilleure diversification des tarifs par lot qui établissent le forfait de gestion courante, en fonction de l'ampleur des prestations à fournir basées sur les caractéristiques réelles de chaque copropriété : services collectifs et équipements, nombre de salariés et de contrats à gérer ! C'est une évidence et pourtant cette diversification est peu pratiquée, les tarifs étant généralement appliqués indistinctement à tous les types d'immeubles... Ce n'est que de cette façon, avec une réelle argumentation et une approche commerciale renouvelée, que les syndics pourront faire rémunérer la véritable valeur de leur prestation, et faire ainsi payer le travail par ceux qui en ont le plus l'utilité !

Ce sera plus facile à dire qu'à faire : les directions des cabinets sont trop souvent éloignées du terrain et les gestionnaires en charge des mandats insuffisamment formés à la relation commerciale. D'autant que le danger viendra plus des syndics eux-mêmes que des copropriétaires et de leurs associations de défense : celui du "dumping" des honoraires de base, dans lequel se sont largement illustrés dans le passé aussi bien les grands groupes que les tout petits cabinets, ceux dont l'activité de syndic n'est qu'un complément de leur activité d'agent immobilier et de gérant locatif. Henry Buzy-Cazaux, président de l'IMSI (institut du management des services immobiliers et grand connaisseur de cette profession, a bien décrit ce risque dans nos colonnes (1). La grande majorité des syndics avait pris l'habitude de se rattraper sur les honoraires annexes, pouvant représenter jusqu'à 60% de la facturation totale. Le décret d'encadrement des prestations supplémentaires et celui à venir de plafonnement des honoraires d'état daté étaient censés mettre un terme à cette pratique. Il ne feront que la freiner...

Plus que jamais, les copropriétaires devront rester vigilants et demander des justifications précises et quantifiées des honoraires demandés. Notamment une décomposition du forfait de base entre les différents postes de coûts : comptabilité courante, gestion des comptages divisionnaires quand ils existent, assemblées, gestion du personnel quand il y en a, gestion des contrats (chauffage, espaces verts, ascenseurs...) et gestion technique. Chaque cabinet devrait pouvoir afficher le coût moyen de l'heure de travail (ratio charges totales du cabinet/heures de travail totales du personnel + marge légitime +TVA) et quantifier le nombre global d'heures allouées à chaque copropriété au titre des honoraires de gestion courante. Le résultat est en général édifiant. Il en ressort généralement que les copropriétés sans nombreux équipements ou services collectifs payent pour celles qui demandent plus de travail, et surtout plus de déplacements...

Si les syndics s'engagent dans un réajustement des prix, ils devront le faire dans une plus grande transparence. Les outils logiciels de "workflow" ou "gestion des évènements" devraient les y aider en permettant de mettre en avant le nombre d'actions de gestion réalisées sous forfait (sinistres, demandes de devis et négociations ou renégociations de contrats, ordres de service, arrêts de travail et remplacements de personnels, etc.).

Il est largement reconnu, y compris par les associations de consommateurs les plus exigeantes, que les honoraires des syndics aujourd'hui ne sont globalement pas excessifs. La revue Le Particulier Immobilier a fait en 2013 un comparatif de 4 formules particulièrement "inclusives" proposées par des syndics de taille importante : Nexity (Pack forfaitaire syndic), Tagerim (Contrat Intégral), Foncia (Foncia Horizon) et Europe Immo Conseil (EIC - Contrat au forfait). Il en ressort d’abord une grande disparité de tarification du forfait : 168 euros TTC pour 30 lots et plus en Ile-de-France et 144 euros pour 15 lots et plus à Marseille pour Nexity, 251 euros à Paris et 215 euros en province pour 20 à 50 lots pour Tagerim, mais dégressif jusqu’à 119 euros à Paris et 107 euros en province pour plus de 100 lots, 205 euros en Ile-de-France et de 155 à 185 euros en province pour Foncia, enfin 200 euros pour 15 à 50 lots, dégressif jusqu’à 170 euros pour plus de 100 lots pour EIC...

Les disparités entre les grandes agglomérations et les autres est légitime, à cause des temps de déplacements, et des différences dans les niveaux de rémunération des salariés des syndics. Celle entre les grands cabinets et ceux de plus petite taille, les premiers pouvant bénéficier de plus grandes économies d'échelle dans les prestations de base : comptabilité, encaissements, envois en masse, informatique. Mais la question pour chaque copropriété est surtout de payer pour le service réellement rendu et pas pour les autres ! Le taux de charge des collaborateurs du syndic, leur niveau de qualification - qui peut être demandé -, la facilité d'accès à l'information, la qualité du management qui fidélise les équipes (et qui évite le scandale trop fréquent des immeubles qui se retrouvent sans gestionnaire 6 mois tous les deux ans !) sont aussi déterminants.

La profession de syndic est donc à la croisée des chemins : métier récent, il ne réussira à assurer son modèle économique qu'en réussissant à établir - pour la première fois - sa légitimité tarifaire. La qualité du service sous tous ses aspects - respect du droit et fiabilité juridique et comptable, accessibilité et réactivité, compétence et capacité de conseil - doit être désormais privilégiée à la recherche de la marge à tout prix, trop souvent destinée à rendre la mariée désirable en vue d'une revente !

A défaut, la résistance du consommateur en ces temps de crise économique et de recherche d'économies tous azimuts risque d'avoir le dessus...


(1) Tribune Libre - Henry Buzy-Cazaux - 5 avril 2015 : "Nouveau contrat de syndic et risque de dumping"

Voir notre dossier : Loi ALUR - Détail des mesures immédiates et différées
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