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Chauffage collectif : faut-il installer des compteurs divisionnaires ? Le 15/9/2011
UI - Actus - 15/9/2011 - Chauffage collectif : faut-il installer des compteurs divisionnaires ?
En dehors des régions de l'Est de la France, l'individualisation des frais de chauffage par la pose de compteurs thermiques, appelés aussi répartiteurs, théoriquement obligatoire depuis des décennies, n'a pas fait recette. Malgré les campagnes répétées des industriels - fabricants et prestataires de services de relevé - faisant espérer des économies d'énergie mirifiques. Elle refait surface avec le "Grenelle de l'environnement", et le gouvernement, dans la foulée, prépare de nouveaux textes réglementaires en remplacement de ceux devenus obsolètes. Du coup, les syndics de copropriété se voient déjà démarchés au motif que le "Grenelle" aurait rendu l'individualisation à nouveau obligatoire. Les associations de consommateurs, au départ plutôt favorables aux individualisations de charges, sont réservés, à la fois sur les économies attendues, le coût de la prestation et les injustices de répartition qui pourraient intervenir dans les immeubles mal isolés ou à installation mal équilibrée...

Une règlementation de 1975, restée largement inappliquée



Cela date du premier choc pétrolier, du temps où la France qui n'a pas de pétrole avait "des idées" : très vite, une loi du 29 octobre 1974 relative aux économies d'énergie avait prescrit que "tout immeuble collectif pourvu d'un chauffage commun [comporte], quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d'eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif".

Cette disposition est aujourd'hui codifiée à l'article L241-9 du Code de l'énergie, après l'avoir été à l'article L131-3 du Code de la construction et de l'habitation. Dès le départ, cette obligation, non assortie de sanctions - mais tout copropriétaire dans un immeuble collectif pourrait en réclamer l'application - a été limitée aux immeubles dont les frais annuels de combustible ou d'énergie nécessaires au chauffage de l'immeuble rapportés à la surface chauffée dépassait un certain seuil, cette dernière pouvant être estimée forfaitairement à 85% de la SHON (surface hors oeuvre nette) des bâtiments.

De surcroît, il avait été ajouté que dans ce cas, quand l'immeuble a fait l'objet d'une demande de permis de construire après le 31 décembre 1988, il devait être équipé d'appareils de mesure et de répartition des frais de chauffage pouvant être relevés sans qu'il soit besoin de pénétrer dans les locaux privatifs !

Moyennant quoi, dans tous les immeubles dont les coûts de combustible ou d'énergie dépassent le seuil fatidique, et où la pose d'appareils de mesure, appelés communément "répartiteurs", est techniquement possible, ces coûts devaient être répartis pour moitié au moins de leur montant en fonction des consommations relevées par ces appareils, ce taux pouvant remonté jusqu'à 75% sur décision de l'assemblée générale des copropriétaires ou du gestionnaire d'un immeuble entièrement locatif.

Problème, le dernier arrêté date du 30 septembre 1991 et fixait ce seuil à 40 francs TTC par m2 de surface chauffée, et n'a jamais été remis à jour. Par ailleurs, ce coût était fixé pour la saison de chauffe 1988/1989 ; pour les saisons suivantes, il y avait lieu d'appliquer des coefficients de correction tenant compte du climat et du coût des combustibles, devant être fournis par l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), qui n'a pas poursuivi ce travail au delà de 1993...

Force est de constater que cela n'a pas beaucoup manqué, notamment aux syndics de copropriété, pour qui un comptage et une individualisation de consommation de plus - ils font déjà dans de très nombreux immeubles l'individualisation de l'eau froide et de l'eau chaude au moyens de compteurs - représente une charge supplémentaire importante qu'ils craignent de ne pas pouvoir facturer à son juste coût...

Résultat : sur les 14 millions de logements collectifs français, 40% sont équipés d'un chauffage central collectif dont 10% d'entre eux seulement (500.000 logements) sont équipés de compteurs individuels. Contrairement à d'autres pays européens où ce taux monte à 70% au Bénélux, à 80% en Autriche, et même à 95% en Allemagne, championne toutes catégories. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la plus grande concentration d'immeubles équipés en France se trouve en Alsace...


Un retour bien bien orchestré



C'est pourtant la même ADEME qui a entrepris dès 2007 de relancer les répartiteurs de frais de chauffage, s'appuyant sur une étude menée de 2004 à 2006 par le COSTIC (Centre d'études et de formation pour le génie climatique et l'équipement technique du bâtiment), montrant que l'installation de compteurs individuels de chaleur dans les immeubles chauffés collectivement permettrait d'économiser jusqu'à 20% sur les consommations, et si l'ensemble du parc concerné était équipé en France, d'économiser 2 millions de tonnes de CO2, soit l'équivalent de la consommation d'énergie de la ville de Lyon !

Une autre étude menée pour la France par le Syndicat de la mesure sur 4.200 logements arrivait à un chiffre d'économie d'énergie escomptée de 22% en moyenne, se ventilant entre 33% dans le parc non-HLM, plus dispendieux au départ, et 14% dans le parc social. Elle estimait que les habitants dont le coût annuel d'énergie dépasse les 3 euros/m2/an ont intérêt à s'équiper de compteurs individuels.

De son côté, le COSTIC observe des résultats différents selon le type de bâti, la population abritée, l'implication des gestionnaires, etc. Une copropriété dans le 16è arrondissement de Paris, datant de 1962, voit par exemple sa consommation remonter dès le troisième semestre d'individualisation. A l'inverse, un immeuble de l'OPHLM de Pantin – un bailleur concerné par ces questions - construit en 2002 affiche une économie de 21%.

L'étude du Syndicat de la mesure a été vigoureusement contesté par L'ARC (Association des responsables de copropriété), qui a cherché à connaître les détails de l'enquête présentée, et parlé d'une véritable "supercherie" à laquelle se serait livrée le syndicat de la mesure, évidemment intéressé, accusant au passage l'ADEME de s'y être prêtée ! L'ARC reprochait à l'étude de ne pas indiquer comment a été construit "l’échantillon" des logements équipés de compteurs utilisé pour démontrer un différentiel de coût énergétique par mètre carré de 33% entre logements équipés et non équipés (comment être sûr que n'ont pas été pris seulement les meilleurs résultats ?), et de n'avoir fourni aucune donnée sur l’âge des immeubles ni leur degré d’isolation, rendant ainsi impossible de conclure que le différentiel tient aux répartiteurs, puisque les performances énergétiques des immeubles sont inconnues...

La remise au goût du jour des répartiteurs a connu une nouvelle étape avec l'insertion dans la loi "Grenelle II" du 12 juillet 2010 d'une disposition permettant en copropriété d'adopter à la majorité absolue au lieu de celle des deux tiers l'installation de "compteurs d'énergie thermique ou de répartiteurs de frais de chauffage".

Dans la foulée, le gouvernement a entrepris de faire rédiger et soumettre à la concertation un nouveau jeu de textes règlementaires - un décret et un arrêté - permettant de rétablir l'applicabilité de l'obligation. N'en seraient plus exemptés que les immeubles ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire après le 1er juin 2001, et ceux où il est techniquement impossible de poser un appareil permettant aux occupants de moduler significativement la chaleur fournie, ce qui est la moindre des choses... Seraient dispensés également - c'est encore une évidence - les immeubles à chauffage collectif de base et appoint individuel, ainsi que ceux où le chauffage a lieu entièrement par dalle chauffante sans mesure possible par local, par émetteurs de chaleur posés en série et/ou sans boucle individuelle de chauffage, ou encore par impulsion d'air chaud

La notion de seuil de dépense d'énergie au m2 est également maintenue, les immeubles qui le dépassent pouvant néanmoins s'exonérer de l'obligation de pose de répartiteurs s'ils réalisent "d'importants travaux d'amélioration de la performance énergétique".

Pour les autres, l'installation des appareils de mesure doit intervenir dans les 5 ans de la publication du futur décret, et doit bien entendu être accompagnée de pose de robinets thermostatiques ou bien de dispositifs de régulation au moyen d'un thermostat central. Le relevé devra désormais dans tous les cas pouvoir être fait de l'extérieur des locaux privatifs.

Le calcul de la consommation énergétique (hors eau chaude sanitaire), à comparer du seuil au dessus duquel l'obligation existera, est cette fois calculé par rapport à la SHON ou la surface habitable (SHAB) : le seuil est fixé à 130 KWh/m2 de SHON ou 150 KWh/m2 de SHAB par an. Mais pour les immeubles collectifs dont moins de 20% des émetteurs de chaleur sont équipés de robinets thermostatiques, ces chiffres sont portés respectivement à 160 et 190 KWh/m2 par an.

Enfin, la part des coûts susceptibles d'être répartis au moyen des mesures relevées sur les répartiteurs est rehaussée à 70% minimum, sachant que ceux existants prévoyaient déjà que les situations ou configurations thermiquement défavorables des locaux pouvaient être prises en compte dans des limites fixées (possibilité d’appliquer des coefficients de pondération pour les logements mal exposés).

A noter qu'il est désormais prévu une large communication aux résidants et même l’affichage des consommations dans les parties communes des immeubles.


Une fausse bonne idée ?



Les associations de consommateurs, pourtant en général plutôt favorables à l'individualisation des charges d'eau froide ou d'eau chaude (incitation à modérer ses consommations), sont plus que réservées, et ce pour deux raisons principales :

- le coût de la répartition : la prestation de location-entretien-relevé des répartiteurs, intégralement récupérable sur les locataires, est estimée au minimum à 30 à 40 euros TTC en moyenne par logement et par an (ne pas oublier en sus pour les copropriétaires le supplément éventuel d'honoraires du syndic pour la charge de comptabilité, jusqu'à 5 euros TTC par an et par logement) ; par comparaison, la prestation complète de gestion d'un syndic se monte actuellement à 150-200 euros TTC lot principal et par an ! Ce coût peut facilement dépasser les économies attendues du changement de comportement que peut induire l'individualisation des charges...

- le risque élevé d’injustice ou d’inégalité entre les logements bénéficiant d’une bonne situation ou bonne orientation et les autres, comme les logements sur pignon froid ou sous terrasse non isolée. Certains occupants, dont les logements sont bien situés dans l’immeuble (disposant d'un fort ensoleillement et bien entourés), vont même pouvoir ne plus se chauffer du tout, alors que d’autres, au contraire, dont le logement est très mal situé, vont être obligés de se chauffer encore plus (surtout si leurs voisins ne se chauffent plus) ! L'injustice est largement amplifiée si l'installation de chauffage est de surcroît mal équilibrée. Tout le monde connaît des immeubles où les étages élevés grelottent quand les occupants des étages bas passent l'hiver les radiateurs fermés et fenêtres ouvertes !

Par ailleurs, pour que le système fonctionne bien, il faut que les installations (robinets de radiateurs, thermostatiques ou non) soient en parfait état. Sans compter, selon l'ARC, qu’après une ou deux années d’utilisation, il n'est pas rare de constater que les occupants deviennent moins "économes", et que les consommations remontent.

Pour l'association, mieux vaut dans de nombreux cas, plutôt que de poser des répartiteurs, mettre en place un programme de travaux d’amélioration thermique permettant de descendre au-dessous du seuil de consommation prévu par le décret...

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