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Assemblées de copropriétaires : pourquoi sont-elles si frustrantes ? Le 1/6/2004
UI - Actus - 1/6/2004 - Assemblées de copropriétaires : pourquoi sont-elles si frustrantes ?
Elles devraient être le lieu où se décide le présent et le futur de la copropriété, la qualité des prestations aux résidants et la conservation si ce n'est la valorisation du patrimoine commun des copropriétaires ! La réalité est malheureusement toute autre : le manque d'écoute du copropriétaire de base, le comportement moutonnier du plus grand nombre et la confiscation du pouvoir par quelques uns font qu'elles ne servent souvent au mieux qu'à maintenir des statu quo, à entériner des décisions prises ailleurs, ou valoriser un conseil syndical en mal de reconnaissance... Faut-il chercher ailleurs, dans un prétendu désintérêt pour la chose commune ou une fuite devant les responsabilités, la désaffection et l'absentéisme des copropriétaires pour ces grand messes annuelles alors qu'à y regarder de plus près ils sont le pur produit d'une démocratie qui fonctionne mal, à l'image somme toute de ce qui se passe à d'autres échelons ?...

Des copropriétaires mal informés

"Assemblée générale : faites entendre votre voix" conseillait le mois dernier aux copropriétaires le numéro spécial de Que choisir sur la copropriété (1), l'illustrant d'une cantatrice sur une scène bombardée de tomates par des spectateurs furieux... Nombre de copropriétaires aimeraient bien faire entendre leur voix, mais pour dire quoi ?

Pratiquement jamais informés en cours d'année sur les affaires en cours et découvrant le jour de l'assemblée les tenants et aboutissants des décisions qu'on les invite à prendre, les copropriétaires qui ne font pas partie du petit cénacle de ceux - président et la plupart du temps quelques membres du conseil syndical proches de celui-ci et ayant accès direct au syndic - ont peu de moyens de s'exprimer efficacement et d'influer sur une gestion et des options décidées ailleurs : peu ou pas de notes d'information, panneaux d'affichage nécessairement limités à des informations pratiques, délibérations du conseil syndical non consignées et encore moins diffusées, pratiquement jamais de rapport de gestion, et des informations diffusées avec la convocation limités à quelques devis et des documents comptables illisibles pour le commun des mortels, sont sauf exceptions le lot commun des copropriétés !

Résultat : que ce soit face à des conseillers syndicaux "béni-oui-oui" et un syndic directif et omniscient, ou au contraire un président-dictateur et un syndic "à sa botte", faire entendre sa voix se résume la plupart du temps à poser des questions naïves, auxquelles les "sachants" de l'estrade répondent avec condescendance, ou à critiquer tous azimuts, sans illusion sur le résultat mais parce que ça soulage !


Principale cause : la préparation insuffisante des assemblées !

Presque toujours laissée au seul syndic, elle fait rarement l'objet d'une attention à la hauteur des enjeux : l'ordre du jour, comportant déjà une bonne dizaine de points imposés par la législation, est dressé au fur et à mesure des demandes des uns et des autres, et ressemble souvent à un inventaire à la Prévert, sans souci de cohérence, et surtout de la possibilité de le traiter sérieusement dans le temps imparti pour une assemblée normale ! D'où ces assemblées qui épuisent les troupes ou offrent ces spectacles pénibles de fins de séance houleuses, dans une salle à moitié désertée, où plus personne ne sait, pas même des fois le syndic, qui a voté quoi et ce qui a été finalement décidé...

Et même quand ce n'est pas le cas, les décisions à prendre sont rarement expliquées, le budget préparé par reconduite du budget précédent et rarement discuté avec le syndic par le conseil syndical avant l'assemblée, enfin les devis sont demandés en dernière minute, et souvent présentés en séance quand ils ont été reçus...

La conséquence est une gestion routinière, avec certes de temps à autre des décisions de gros travaux, mais proposés au coup par coup, sans vue d'ensemble, sans programmation pluriannuelle, et sans financement aménagé dans la durée ! Bref, une gestion au jour le jour, réactive plus que préventive, sans réflexion de fonds sur le niveau et les caractéristiques des prestations délivrées aux résidants, sur l'organisation adoptée - personnel, contrats - pour les mettre en oeuvre et son coût, enfin sans remises en cause et réflexion sur les possibilités souvent simples et rentables de d'amélioration des immeubles et de valorisation du patrimoine !

Plus grave : par leur coût soudain et parce qu'ils n'ont pas été provisionnés, les gros travaux sont, en ces temps incertains, de plus en plus souvent repoussés à plus tard, au risque de voir la copropriété se dégrader irrémédiablement : d'abord au niveau du bâti - un nombre croissant d'ensembles en copropriété sont moins bien entretenus que les HLM -, puis dans la valeur des appartements, dans la sociologie et les moyens des nouveaux copropriétaires, et pour finir dans la santé financière du syndicat des copropriétaires, prélude à la paupérisation voire à la descente aux enfers des "copropriétés en difficulté"...

D'où les voix qui commencent à s'élever - celle de l'ARC, la très médiatique Association des responsables de copropriété entre autres - pour demander que la programmation pluriannuelle et le provisionnement des travaux soient rendus obligatoires, comme ils le sont au demeurant par le biais des règles comptables pour les sociétés propriétaires de patrimoines immobiliers ! Une telle mesure, qui créerai un choc dans la mentalité du copropriétaire moyen, et révolutionnerait à n'en pas douter la gestion des immeubles, aurait un double effet vertueux : celui d'améliorer l'entretien à long terme des immeubles - un plan pluriannuel suppose un diagnostic préalable et une programmation rigoureuse - et celui d'obliger à diffuser auprès de tous les copropriétaires à la fois la connaissance des immeubles - combien savent réellement de quoi leur immeuble est fait ? - et la préoccupation de sa maintenance, et au moins de sa conservation !


Rétablir les rôles de chacun

La situation, accablante, n'est pas sans remèdes, mais il est aussi vain de les attendre des seuls syndics - sous l'effet de la pression sur les honoraires et de la concentration, ils sont en train petit à petit de s'industrialiser et leur budget de temps à consacrer à la vraie gestion de chaque immeuble se réduit année après année à mesure que leurs obligations administratives s'accroissent - que de tabler sur une implication et une responsabilisation spontanée des copropriétaires, alors même que les facilités de l'accession à la propriété font entrer dans les copropriétés un nombre croissant de néophytes, de plus en plus jeunes de surcroît, qu'il faut former au fonctionnement d'un mode d'organisation tout sauf évident...

Le rôle-clé échoit une fois de plus au conseil syndical, qui ne peut plus se contenter d'un rôle de conseiller et de contrôleur du syndic, mais doit s'impliquer davantage dans l'information des copropriétaires, l'écoute de leurs besoins dans leur variété - les bailleurs, les familles, les personnes âgées, les handicapés, les jeunes célibataires, etc. - et leur traduction dans des orientations fermes, indispensables pour guider l'action du syndic et la prise des décisions importantes.

Un bulletin trimestriel d'information, voire un site Internet, et quand il le faut une réunion d'information préalable en cas de travaux ou de décision importante à prendre devraient être considérés comme un minimum pour que les assemblées deviennent ce qu'elles devraient être : un lieu de débat et de décision en connaissance de cause et non un lieu de découverte et de critique plus ou moins démagogique ! Sans compter les réunions de travail à organiser avec le syndic pour une préparation minutieuse des documents à diffuser, et de toutes les actions de communication nécessaires pour faire adhérer les copropriétaires aux actions proposées...

Utopie ? Certainement si l'on considère le temps, l'attention et les moyens que consentent aujourd'hui les copropriétaires à ce qui constitue pourtant souvent l'investissement de toute une vie, mais en aucun cas s'ils réalisent la valeur de ce qu'ils ont la charge de gérer à long terme et le manque à gagner, voire la perte qu'ils subissent en se résignant à le regarder par le petit bout de la lorgnette...

Un changement de perspective amènerait probablement à reconsidérer nombre d'aspects de la pratique actuelle qui nuisent à la bonne tenue des assemblées, à commencer par les horaires des assemblées, dont le caractère tardif épuise les syndics et leur interdit, par les contraintes de vie qu'ils imposent le recrutement de gestionnaires de bon niveau, mais aussi le choix du lieu - confort, acoustique sonorisation pour les assistances nombreuses -, la qualité des documents diffusés, l'utilisation de présentations audio-visuelles, sans mentionner le choix du président de séance, sur lequel normalement repose - et non sur le syndic - la qualité des débats et la régularité juridique des décisions prises (notre article)...



(1) Que choisir, n°60, mai 2004

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